Imaginez une seconde. Des bâtiments carrés tels des blocs de béton sortis du sol, précédent des bâtiments presque haussmanniens se confondant avec de l’architecture italienne. Des mosaïques reflétant un imaginaire purement bolchévique et prolétaire à quelques mètres de la « place Paris » ou encore un square avec une statue des Beatles. Un pays en changement, profondément solidaire et à la fois vivant la vie dure de ceux qui vivent dans un pays souffrant de la corruption et cherchant à s’émanciper d’une Russie désireuse de garder les territoires proches sous son contrôle. Je m’appelle Marcel, j’ai 22 ans et j’ai passé 6 mois en Ukraine, 6 magnifiques mois où j’ai pu vivre à la fois à la ville, à Vinnytsia. Et à la campagne, à Stina dans la commune de Tomashpil.

La vie en ville n’est guère si différente qu’en Europe, si ce n’est des infrastructures moins qualitatives, le tramway était un tramway offert d’occasion par une ville des Pays-Bas dans lequel on pouvait encore lire des instructions en allemand, ce tramway d’occasion était de meilleure qualité que celui de Kiev ou de Lviv. Des bâtiments assez sales et des trottoirs encore en terre avec de l’herbe y poussant, beaucoup, beaucoup de chiens errants dans les rues. Mais sinon des bars, des fêtes, de la vie le soir après le travail, surtout chez les jeunes, plutôt les plus aisés. Le travail la journée, souvent assez difficile et des repas fournis, c’est important la nourriture, et les Ukrainiens aiment le pain d’ailleurs (mais il n’était quand même pas aussi bon qu’en France 😉).

À la campagne par contre c’était un peu différent, le village dans lequel j’ai pu travailler quelque temps n’avait pas de route bétonnée, dès qu’on rentrait dans le village, situé dans une vallée, le béton de la route s’estompait là où le chemin commençait à descendre, d’abord des cailloux, puis du sentier, de la terre battue. On entendait les chiens hurler toute la nuit, et à mon arrivée, j’ai vu des poules, mais pas comme chez nous, bien dodues, des poules dont on distinguait les os se baladant en plein milieu du chemin ou passait les voitures, pareille pour les vaches, mais je crois qu’elles étaient accompagnées lorsque je les avais vues en plein milieu du chemin.

Cependant ne croyez pas que ces personnes ne savaient pas s’occuper de leurs vies, car Nékola (qu’on appelait uncle Cola) était un vieux campagnard qui faisait lui-même son alcool de betterave. Une fois il m’a emmené sur sa charrette tirée par un âne, couper du bois dans la forêt environnante, expérience qui m’a d’ailleurs apprise qu’il n’était pas nécessaire de parler la même langue pour se comprendre. Un homme responsable et qui n’aimait pas voir les jeunes fumer.

Une autre fois encore j’ai pu voir la vieille église qui surplombait la vallée, une église orthodoxe d’un bleu ciel sur ses murs accompagné de couleurs dorés se détachant petit à petit par l’effet du temps, c’était magnifique. Vous me direz peut-être naïf et sensible, c’est le cas, mais c’est dans ces qualités proprement humaines qu’on découvre la beauté d’un monde si imparfait dont les imperfections, ayant pour double utilité d’être bien souvent douloureuses pour ceux qui les vivent, nous apprenne l’amour de ce qui est, le vrai. Et non celui qu’on désire s’imaginer telle la perfection d’un être ou d’un lieu où l’on ne peut remarquer de défauts.

Ce voyage a changé ma vie d’une certaine manière, mais au fond, moins par tous ces paysages ou ces rencontres si illustres à mon goût. Mais plutôt par la personnalité du président de l’association dans laquelle j’ai été. Un homme hyper-réactif et sur-vitaminé, toujours dans l’action. Et face auquel, dans ma personnalité de jeune coq imbu de lui-même dans un pays qu’il ne connaissait pas, je n’ai pas hésité à m’affirmer. Je me demande s’il n’a pas eu envie de me jeter par la fenêtre ce jour où nous discutions de possibles projets, et où j’affirmais exactement ce qu’on était en train de me dire, comme si j’avais plus raison que lui alors que je ne comprenais tout simplement pas ce qu’on était en train de me dire tellement mon anglais était mauvais.

Cependant, malgré tout mon narcissisme, mon désir d’avoir raison, et ma croyance en moi-même qui aurait bien faite de se voir grenouille telle qu’elle était plutôt que de se croire bœuf. Ce président ne s’est jamais énervé, n’a jamais tenté de faire preuve d’autorité, il a toujours gardé son calme, et je n’ai d’ailleurs jamais été en capacité de prendre le dessus sur lui. Il m’a appris ce qu’était un homme, toujours fort mais jamais sur autrui. Il m’a appris ce qu’était le respect, non une affirmation par la place ou le titre, mais plutôt une attitude de soi toujours méritante et honorable en appelant à la soumission d’autrui sans jamais l’imposer. Je ne vous dirais pas qu’il n’avait aucun défauts, sinon il n’aurait pas été humain, mais au-delà de nos défauts nous pouvons ne pas remettre la faute sur autrui et faire preuve de courage

Aujourd’hui l’Ukraine est sous les bombes, l’association dans laquelle j’ai été existe toujours mais a reconverti ses activités pour soutenir l’effort de guerre et la population en difficulté. Voilà l’adresse de leur site web : Initiatives of support to victims of war | YouthFutureUa (yfua.org) en toutes lettres : https://www.yfua.org/en/

Nous espérons tous que la guerre finira et la bonté de ce que peut être l’homme triomphera, pas seulement en Ukraine mais partout sur Terre et encore plus dans chacun de nos cœurs. Car le vrai mal n’est pas chez d’autres loin de nous, mais dans chacun de nos cœurs lorsqu’il se livre à la haine et au rejet d’autrui.

Слава Україні

Force et honneur aux braves !