En février 2020, j’ai participé à un programme de formation Erasmus+ à Manchester. Ce programme etait destiné à la formation des jeunes travailleurs sur les différentes situations des personnes migrantes et réfugiées. Cette formation devait nous permettre d’utiliser les manuels de Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Ayant moi-même étudié ces questions lors de mes études, j’étais curieuse de voir comment ces questions étaient traitées en Angleterre.

 

Manchester, une expérience multiculturelle

Ce qui m’a marqué dès mon arrivée a été l’atmosphère multiculturelle de Manchester qui se ressent directement. Arrivant de France où les personnes n’affichent en général pas leurs appartenances culturelles et religieuses en public, j’ai été surprise. Des chauffeurs portant un turban sikhs, des policières avec un voile ou des employés aux cheveux roses, tatouages, piercings apparents..

Cette impression d’ouverture à la diversité s’est confirmée en visitant Manchester. Que ce soit au musée d’histoire naturelle qui confrontait dans ses expositions l’origine coloniale ou à la librairie historique de la ville où est situé le “Ahmed Iqbal Ullah Education Trust”. Ainsi un grand fond d’archive dédié à l’histoire des minorités Noires, Asiatiques, etc de Manchester. Notre formation avait en outre lieu dans un centre social et culturel situé dans le quartier de Old Trafford.

Le profil des participant.es était également très hétérogène. J’ai ainsi été confrontée à des convictions différentes et des manières d’appréhender les questions migratoires éloignées des miennes. C’est ainsi que j’ai découvert que certains participants n’avaient jamais eu d’interactions avec des personnes de couleur auparavant. Certains m’ont beaucoup émue par l’empathie dont ils faisaient preuve face à ces nouvelles situations. Cependant je déplore le manque de prise en charge par les formateurs des personnes peu habituées à la multiculturalité. Certains comportements ont mis à mal le bien-être des personnes directement concernées par le racisme. Définir des règles de bienveillances strictes serait une priorité pour que les futures formations ne soient pas difficiles à vivre.

Des acteurs et des actrices sociaux sur le terrain

Notre formation s’est principalement basée sur le peer-learning. C’est un échange de savoir entre les participants plutôt que des cours magistraux donnés par un ou une formateur.trice. Nous étions conviés à présenter dans les grandes lignes les enjeux de la diversité ethnique de nos pays respectifs.

Nous avons abordé des questions aussi diverses que la suppression des budgets pour l’accueil des migrants en Italie, de l’absence de mixité ethnique vécue par les participants Lithuaniens, de la répression de revendications Kurdes en Turquie ou encore de l’accueil favorable des migrants et réfugiés dans certains villages d’Europe de l’Est désertés par la jeunesse partie travailler dans les grandes villes. Cela a aussi donné un contenu de formation aussi dense qu’hétérogène. Nous avons aussi passé beaucoup de notre temps à vérifier les faits et des chiffres.

La grande richesse de cette formation a à mon sens été la rencontre d’acteurs et d’actrices locaux. Notre formation était située dans deux centre sociaux. L’un fondé par une église et l’autre par un organisme de logements sociaux privé (“profit-for-purpose” selon l’expression).

C’est ainsi que tous les jours, nous allions dans un centre communautaire fréquenté par les habitants de Old Trafford. On y trouvait de la restauration, des prises USB et une connexion WIFI gratuite, une pharmacie proposant des prix bas, une salle de prière multiconfessionnelle, une bibliothèque contenant des livres en toutes les langues, des logements pour retraités ou encore une garderie… Les jeunes de toutes les confessions et langages se retrouvaient pour un café ou bien pour faire leurs devoirs. C’était un joli exemple quotidien de vivre-ensemble que je n’avais jamais eu l’occasion de vivre dans mon pays. Même si je regrette que l’enjeu des services sociaux proposés m’échappe encore, j’ai l’impression d’avoir beaucoup appris.

Brexit et coupe budgétaires globales

Ce qui a cependant été frappant est que ce beau projet semblait être une exception parmis les autres initiatives. L’autre centre social dans lequel nous travaillions était vétuste, un autre, était sur le point de fermer. Les intervenants locaux nous ont fait part de leur inquiétude face aux nombreuses fermetures de centres sociaux qu’ils constataient dans leur pays.

Les projets que nous suivions étaient en majorité destinés aux jeunes gens, or en Angleterre les budgets alloués aux projets jeunesses ont baissé de 70% en dix ans. Selon les constats du YMCA, le district du Grand Manchesters, Trafford, a ainsi perdu la totalité de ses financements publics. C’est ainsi que les coordinateurs du centre social que nous ont expliqué qu’ils prévoyaient de fermer d’ici mars 2020. Après l’arrêt des financements publics, c’était le leg privé d’un paroissien qui leur avait permis de poursuivre leurs activités. La fermeture de cet espace implique l’arrêt de nombreux services comme l’apprentissage de l’anglais, l’accompagnement à la recherche d’emploi mais aussi les cours de sport à bas prix, les groupes de parole…  Il y avait également de grandes incertitudes au sujet du retrait des financements de l’Union Européenne et de leur remplacement.

Cette tendance ne semblait cependant pas propre à l’Angleterre car ces restrictions trouvaient des échos dans les témoignages des participants. Par exemple une des participantes italienne travaillait également dans un service dédiés aux migrants et aux réfugiés. D’autres témoignages rendaient visible le fait que beaucoup des participants Européens travaillant dans le secteur occupaient finalement des emplois précaires.

Je suis très contente d’avoir participé à ce projet. C’était un voyage qui a eu beaucoup de sens. Même si j’ai l’impression d’avoir au final peu compris le manuel de l’UNHCR, nous avons réellement pu aller sur le terrain. Ainsi nous avons rencontrer des acteurs et actrices sociaux de toute l’Europe et comparer nos expériences.